Pourquoi un régime « foin + légumes » expose le lapin à des carences
- Clapier Des Lucioles

- 12 sept.
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Dernière mise à jour : 14 sept.
On lit souvent sur les réseaux sociaux que les granulés sont « inutiles » ou « nocifs », et qu’un lapin peut très bien vivre avec uniquement du foin et des légumes frais. Cette affirmation, séduisante en apparence, ne résiste pas à l’examen scientifique. Les vétérinaires, les associations spécialisées et même les organismes européens de nutrition animale insistent tous sur le même point : un régime sans granulés expose à des carences nutritionnelles, parfois invisibles mais bien réelles.
1. La vitamine D : la grande absente
Le problème le plus documenté est celui de la vitamine D.
Une étude finlandaise (Aho et al., 2023, Frontiers in Veterinary Science) a montré qu’une proportion importante de lapins de compagnie présentaient des taux sanguins de vitamine D « dans la zone de carence sévère » lorsqu’ils vivaient en intérieur, sans accès au soleil direct ni à une alimentation enrichie. Les chercheurs ont aussi démontré que les lampes UVB doublaient les taux en seulement deux semaines, alors que la lumière intérieure classique n’avait aucun effet.
Le foin et les légumes contiennent très peu de vitamine D. Les associations comme la House Rabbit Society (HRS, USA) rappellent que l’apport provient essentiellement du soleil ou… de la nourriture enrichie (notamment les granulés). Sans cela, le risque de déficit est élevé, avec des conséquences graves.
Conséquences d’une carence en vitamine D
Os et dents fragiles : rachitisme chez les jeunes, ostéomalacie chez les adultes, et surtout malocclusions dentaires fréquentes.
Faiblesse musculaire : difficultés à se déplacer, apathie, aggravant les risques de stase digestive.
Troubles urinaires et rénaux : déséquilibre calcium/phosphore favorisant sludge et calculs.
Immunité réduite : sensibilité accrue aux infections digestives, respiratoires ou cutanées.
Augmentation de la mortalité à long terme si rien n’est corrigé.
Un lapin peut donc sembler « en santé » en apparence, tout en étant fragilisé de l’intérieur par une carence invisible.
2. Les oligo-éléments et vitamines liposolubles : apport variable, jamais garanti
Les lignes directrices de la FEDIAF (2024), qui encadrent la formulation des aliments complets pour animaux en Europe, précisent que les granulés doivent apporter des quantités constantes d’iode, zinc, cuivre, sélénium, ainsi que des vitamines comme la E ou la A.
Or, les légumes ont une teneur extrêmement variable selon la saison, le sol et la variété cultivée. Un jour, le persil est riche en fer, le lendemain il l’est beaucoup moins. Contrairement à un granulé formulé, un régime 100 % végétaux frais ne permet pas de garantir que chaque jour, chaque semaine, tous les besoins sont couverts. Cela ouvre la porte à des micro-carences, invisibles à court terme mais délétères à long terme (faiblesse musculaire, troubles immunitaires, problèmes de reproduction).
3. Les protéines et acides aminés : seuils minimaux difficiles à atteindre
Les manuels de nutrition cunicole (De Blas & Wiseman, Nutrition of the Rabbit, 2ᵉ éd.) fixent les besoins protéiques en entretien léger autour de 12–14 %. Le foin est riche en fibres, mais souvent pauvre en protéines assimilables. Quant aux légumes, ils contiennent surtout de l’eau : à 90 %, ils apportent très peu de protéines par rapport à leur volume.
Résultat : un lapin nourri sans granulés doit compenser par des quantités très importantes et variées de légumes riches en protéines (feuilles de chou, brocoli, kale). Mais même ainsi, il est difficile de maintenir une masse musculaire optimale. En pratique, les lapins nourris de cette façon perdent souvent du tonus, ce qui ralentit encore le transit et augmente le risque d’arrêt digestif.
4. Les recommandations officielles incluent toujours un peu de granulés
Les associations de référence ne recommandent jamais l’exclusion totale des granulés.
La Rabbit Welfare Association & Fund (RWAF, Royaume-Uni) conseille une ration composée de 85 % de foin, 10 % de légumes/verts et 5 % de granulés extrudés de qualité (environ 15 g/kg/jour, soit 30 g/jour pour un lapin de 2 kg). Raison invoquée : les granulés complètent les vitamines et minéraux que foin + légumes ne garantissent pas.
La House Rabbit Society recommande « quelques pellets » de bonne qualité pour couvrir les oligo-éléments et vitamines liposolubles.
Même la FEDIAF, qui établit les standards de formulation des aliments en Europe, rappelle que les granulés servent à sécuriser l’apport minimal de tous les nutriments essentiels.
5. Les illusions entretenues par les réseaux sociaux
Pourquoi alors tant de discours vantant le « tout naturel » sans granulés ? Principalement parce que certains propriétaires voient leurs lapins « aller bien » à court terme. Mais sans analyses sanguines régulières, impossible de savoir si l’animal est réellement équilibré.
Un lapin peut sembler vif et produire des crottes normales, tout en étant en déficit chronique de vitamine D ou de certains oligo-éléments. Le jour où les conséquences apparaissent (fragilité osseuse, problèmes dentaires, arrêt de transit répété), il est souvent trop tard.
Un lapin peut survivre avec uniquement du foin et des légumes. Mais survivre n’est pas vivre sainement.
La science est claire :
Vitamine D quasi absente sans soleil direct ou granulés enrichis → carences osseuses, dentaires, musculaires et immunitaires.
Oligo-éléments (iode, zinc, cuivre, sélénium) trop variables dans les légumes.
Protéines insuffisantes si l’on ne varie pas énormément les crucifères et herbes riches.
Recommandations officielles (RWAF, HRS, FEDIAF) incluent toujours une petite ration de granulés de qualité comme assurance nutritionnelle.
Le régime « foin + légumes uniquement » est donc carencé par définition. Il peut convenir temporairement, ou chez certains lapins très sélectionnés, mais il ne permet pas de garantir sur le long terme l’absence de carences graves.







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