Éleveurs qui copient tout: quand la compétition devient obsessionnelle
- Clapier Des Lucioles

- 5 juil.
- 4 min de lecture
Dans le milieu de l’élevage, il est fréquent que certaines pratiques se diffusent d’un éleveur à l’autre. Lorsqu’il s’agit d’adopter de bonnes idées ou de s’inspirer de techniques efficaces, ce partage est souvent sain et bénéfique. Mais dans certains cas, cette dynamique se transforme en imitation systématique, souvent motivée par la peur de perdre du terrain ou par une volonté de concurrencer sans innover.
Ce phénomène, bien réel au Québec, soulève des enjeux importants à la fois sur le plan de l’éthique, de la sécurité animale et de la transparence envers le public.
Copier sans comprendre : une pratique plus fréquente qu’on ne le croit
Certaines personnes s’empressent d’intégrer à leur élevage des pratiques vues ailleurs : stérilisation prépubère, micropuce, traitements préventifs, sélection génétique, modalités d’adoption, voire identité visuelle. Le problème ne réside pas dans l’acte de s’inspirer, mais dans le fait de le faire sans comprendre les fondements, sans disposer du cadre nécessaire (vétérinaires partenaires, expérience, structure adaptée), ou simplement pour en faire un argument de vente.
Dans plusieurs cas documentés, des pratiques exigeantes sur le plan technique ou médical ont été reprises à la lettre, mais appliquées de manière approximative, voire risquée. Cela inclut par exemple des interventions chirurgicales réalisées sans vétérinaire, des documents falsifiés ou des méthodes sanitaires improvisées, uniquement pour répondre à une attente du marché.
Le mimétisme comme stratégie concurrentielle
Il existe également une forme de mimétisme plus insidieuse : celle où un éleveur reproduit presque à l’identique les publications, les visuels, les méthodes d’élevage ou les politiques d’adoption d’un autre, souvent reconnu pour son sérieux. Ce mimétisme peut s’étendre au langage, à l’organisation interne, aux tournures utilisées sur les réseaux sociaux, ou même à la manière de structurer son site web.
Dans ce contexte, l’objectif n’est pas d’élever mieux, mais de récupérer l’image associée à une autre personne, sans en assumer le parcours ni le travail.
Quand l’imitation s’accompagne de dénigrement ciblé
Par expérience personnelle, j’ai vu plusieurs de mes protocoles vétérinaires, outils de suivi, visuels et politiques internes être repris presque mot pour mot par d’autres éleveurs, souvent dans les jours ou semaines suivant leur mise en ligne. Ce n’est pas le fruit d’une coïncidence ni d’un intérêt collaboratif : c’est une reproduction systématique, souvent accompagnée d’un effort parallèle pour discréditer ce que je fais.
Pendant que certaines de mes pratiques étaient copiées, des affirmations ont commencé à circuler, suggérant que je réalisais moi-même les chirurgies de stérilisation, que mes documents étaient falsifiés ou que mes certificats vétérinaires n’étaient pas authentiques. Ces propos n’ont jamais été tenus de manière directe ou publique, mais diffusés sous forme de “doutes raisonnables” dans les coulisses du milieu, dans des messages privés ou par insinuations lors d’événements.
Ce comportement ne se limite pas à des rumeurs vagues. Certaines personnes :
prétendent que j’ai "volé une cliente" à un show simplement parce que ma table était mieux placée sous le chapiteau, alors que cette adoptante m’avait contactée deux semaines auparavant ;
s’introduisent discrètement devant mes cages de transport lors d’expositions pour regarder quels lapins sont à vendre, afin d’ajuster leurs prix ou comparer leurs lignées aux miennes ;
affirment à des exposants que mes lapins ne sont pas purs ou que mes pedigrees sont mensongers ;
contactent des éleveurs aux États-Unis que je ne connais même pas, dans le seul but de les "avertir" à mon sujet, en inventant ou exagérant des faits.
Certaines contradictions dans ces comportements sont également révélatrices. Par exemple, la même personne qui critique activement la stérilisation prépubère sur les réseaux sociaux, en relayant des publications affirmant que c’est inutile, risqué ou contraire au bien-être animal, propose pourtant à la vente des jeunes mâles déjà castrés. La remise en question publique d’une pratique, tout en l’utilisant discrètement à des fins commerciales, témoigne moins d’une véritable réflexion éthique que d’une logique opportuniste : s’attaquer aux autres tout en reprenant leurs pratiques lorsqu’elles deviennent populaires auprès du public.
Il est également utile de rappeler qu’au Québec, tout vétérinaire a l’obligation légale de fournir une facture pour ses services ainsi qu’un certificat de stérilisation lorsque demandé. Ces documents officiels, émis au nom du praticien, sont essentiels pour toute preuve d’intervention médicale. Un éleveur qui affirme ne pas recevoir de documents pour les chirurgies réalisées sur ses animaux, ou dont le vétérinaire "passe de ferme en ferme" sans laisser de trace écrite, soulève un drapeau rouge majeur. Cela pose non seulement des questions éthiques, mais aussi des inquiétudes légitimes sur la légalité des actes effectués.
Dans ce contexte, accuser un autre éleveur de produire de faux certificats vétérinaires, comme cela a été fait dans mon cas, alors que les documents sont bel et bien émis par des professionnels en règle, témoigne d’une volonté claire de nuire. Ces accusations ne reposent sur aucun fondement, ignorent les protocoles vétérinaires en vigueur et flirtent dangereusement avec la diffamation pure. Rappeler que falsifier ou inventer un document vétérinaire constitue un acte criminel suffit à mesurer la gravité de ce genre d’allégations.
Pourquoi cela nuit à l’élevage responsable
Ce type de comportement nuit à l’ensemble du milieu :
Il crée de la confusion chez les adoptants, qui ne savent plus différencier une démarche rigoureuse d’une copie partielle ou mal appliquée.
Il banalise des pratiques développées avec soin, en les transformant en outils marketing copiés sans fond.
Il encourage la désinformation et les malentendus, au détriment des animaux et des adoptants.
Il décourage les initiatives, car chaque amélioration devient immédiatement vulnérable à la récupération ou à la déformation.
Comment reconnaître ce type de dynamique
Voici quelques indicateurs révélateurs :
Reprise rapide de chaque nouveauté publiée par un élevage visible.
Langage, visuels ou formulations identiques ou volontairement confusants.
Critiques voilées mais régulières visant un concurrent précis, sans jamais le nommer.
Tentatives d’interférer avec les relations entre éleveurs, en semant la méfiance auprès de tiers.
Surveillance constante des annonces, publications, prix ou pratiques d’un élevage ciblé.
L’élevage de lapins, comme tout domaine exposé publiquement, attire parfois des comportements concurrentiels malsains. Lorsqu’une personne copie un modèle dans les moindres détails, tout en tentant de miner discrètement la réputation de celui ou celle qui l’a mis en place, il ne s’agit plus d’une inspiration légitime, mais d’une stratégie de prédation.
Mieux comprendre ce phénomène, c’est permettre à chacun, adoptants, éleveurs et observateurs du milieu, de faire la différence entre une démarche fondée sur l’expérience et l’éthique, et une imitation opportuniste destinée à semer le doute. L’apparence peut être copiée, mais la constance, la transparence et la compétence ne se falsifient pas.







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