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Mettre un lapin sur le dos est-il dangereux pour sa vie? Mythe, peur et faits scientifiques

  • Photo du rédacteur: Clapier Des Lucioles
    Clapier Des Lucioles
  • 24 juin
  • 4 min de lecture

Il n’est pas rare d’entendre, notamment sur les réseaux sociaux, que mettre un lapin sur le dos « peut provoquer un arrêt cardiaque » ou « tuer sur le coup ». Cette affirmation, bien que répandue, n’a aucun fondement scientifique rigoureux. Elle alimente une peur inutile, empêche la manipulation adéquate des lapins en contexte médical ou d’élevage, et repose souvent sur une interprétation erronée de la physiologie du stress chez les lagomorphes.



Qu’est-ce que la « mise sur le dos »?



La manœuvre en question consiste à placer le lapin en décubitus dorsal, c’est-à-dire sur le dos, avec le ventre vers le haut. Ce positionnement peut entraîner un état d’immobilité réflexe, parfois appelé à tort « hypnose », mais plus justement désigné comme immobilité tonique ou immobilité induite par la peur (Tonic Immobility, TI).


Cette posture est utilisée en clinique vétérinaire pour inspecter l’abdomen, couper les griffes, faire des soins, ou dans certains élevages pour évaluer des portées. Il est donc important de bien comprendre ses implications réelles.





Les études scientifiques sur l’immobilité tonique chez le lapin



L’état de tonicité induite n’est pas une perte de conscience, mais un réflexe de paralysie temporaire observé chez plusieurs espèces proies (dont les lapins, les oiseaux, les rongeurs et même certains poissons) lorsqu’ils sont mis dans une position vulnérable. C’est un mécanisme évolutif qui permettrait d’augmenter les chances de survie lors d’une attaque.



Études principales :



  • Gallup & Maser (1977) : Les chercheurs décrivent la tonicité chez de nombreuses espèces, dont le lapin, comme une réponse réflexe normale à une manipulation. Le phénomène n’est pas pathologique en soi, mais il peut être plus ou moins marqué selon l’individu.

  • Ferrante et al. (1992) ont observé que les lapins élevés de manière extensive ou en liberté réagissent différemment que ceux manipulés régulièrement, ce qui suggère que l’expérience de vie module la réponse d’immobilité, mais sans lien avec un danger vital immédiat.

  • McBride et al. (2006) ont étudié les effets du stress chez le lapin, en mesurant le taux de cortisol sanguin après diverses manipulations. Il est démontré que la mise sur le dos n’entraîne pas de pic de cortisol plus élevé que d’autres types de contention, y compris le port par la peau du cou (scruffing).

  • Désiré et al. (2004) ont analysé les signes comportementaux et physiologiques de stress et de peur chez les lagomorphes. Ils concluent que l’immobilité ne correspond pas à un traumatisme systémique, mais doit être utilisée avec discernement, car elle ne signifie pas que le lapin est détendu.






Est-ce une transe? Un danger vital?



Non. Ce que l’on interprète parfois comme une “transe” est simplement un réflexe de paralysie défensive, pas un état hypnotique ou une perte de conscience.


Et non, cela ne cause pas d’arrêt cardiaque chez un lapin en bonne santé. Aucune étude sérieuse n’a documenté de décès subit directement causé par cette posture, en dehors de cas où le lapin souffrait déjà de problèmes graves (cardiaques, neurologiques, etc.).





Le

véritable danger physique

: les mouvements brusques



Le risque réel, lorsqu’on place un lapin sur le dos, n’est pas l’arrêt cardiaque, mais plutôt le mouvement de redressement incontrôlé. Lorsqu’un lapin panique ou tente de se relever brusquement, il peut se tordre le dos, se faire une entorse ou se blesser à la colonne vertébrale, surtout s’il est maintenu sur une surface molle ou glissante.


C’est pourquoi :


  • Il ne faut jamais forcer un lapin en panique dans cette position.

  • Il faut toujours le maintenir avec une bonne prise, notamment au niveau du dos et du bassin.

  • Et jamais le laisser se relever de lui-même sans soutien, surtout s’il est en hauteur.



La mise sur le dos peut donc être faite de manière sécuritaire, mais elle doit être brève, contrôlée et justifiée.





D’où vient cette croyance?



Plusieurs sources contribuent à cette idée fausse :


  1. Anthropomorphisme : Les humains interprètent souvent l’immobilité du lapin comme un signe de terreur insoutenable ou de choc traumatique, alors qu’il s’agit d’un réflexe naturel.

  2. Expériences individuelles mal interprétées : Certains décès accidentels, survenus chez des lapins très malades ou très jeunes, ont été attribués à tort à la mise sur le dos.

  3. Vidéos virales ou commentaires militants : Certaines vidéos montrent des lapins figés, associés à des discours alarmistes sur la cruauté de la pratique. Cela contribue à diffuser des récits émotionnels, mais non vérifiés.






Que faire en pratique?




Ce qu’il faut éviter :



  • Utiliser la mise sur le dos comme une méthode de « dressage » ou de « punition »

  • La pratiquer sans formation adéquate, surtout avec des lapins stressés ou non manipulés

  • Prolonger cette posture inutilement

  • Laisser le lapin se relever seul sans soutien




Ce qui est acceptable :



  • Mettre brièvement un lapin sur le dos dans un contexte médical, vétérinaire ou de soins, avec une contention douce et sécuritaire

  • L’utiliser pour l’inspection en élevage si les animaux y sont habitués

  • Former les adoptants à comprendre la posture, sans leur faire croire qu’elle est mortelle






Conclusion : un outil, pas une menace



La mise sur le dos n’est pas une pratique anodine, mais elle ne représente pas un danger vital chez un lapin sain, manipulé avec soin et dans un contexte approprié. Les discours qui prétendent le contraire, sans nuance ni base scientifique, participent à la désinformation et empêchent des gestes utiles (examen vétérinaire, soins, éducation comportementale).


Le véritable risque ne vient pas de la posture en soi, mais d’un redressement incontrôlé, qui peut causer des blessures musculo-squelettiques. Une manipulation bien faite, calme et encadrée reste une pratique sécuritaire dans les bonnes conditions.





Références scientifiques :



  • Gallup, G. G., & Maser, J. D. (1977). Tonic immobility: The role of fear and predation. The Psychological Record.

  • Ferrante, V., Verga, M., Canali, C., & Mattiello, S. (1992). Tonic immobility response in rabbits as affected by handling and genetic strain. Applied Animal Behaviour Science.

  • McBride, E. A., & Parker, M. (2006). The effect of handling on the behaviour and physiology of pet rabbits (Oryctolagus cuniculus). Animal Welfare.

  • Désiré, L., Boissy, A., & Veissier, I. (2004). Emotions in farm animals: A new approach to animal welfare in applied ethology. Behavioural Processes.



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